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L'Architecte romain
Dans l’Antiquité, le mot latin architectus revêt un sens plus large qu’aujourd’hui. En effet, outre le constructeur de bâtiments, il désigne également l’ingénieur militaire qui conçoit et réalise les machines de guerre, le spécialiste de la mesure du temps (la gnomonique), l’inventeur de machines de chantier et celui qui, plus généralement, se consacre à la mécanique. C’est pourquoi « l’architecture est une science qui doit être accompagnée d’une grande diversité d’études et de connaissances, par les moyens desquelles elle juge de tous les ouvrages des autres arts qui lui appartiennent. » Ce propos de Vitruve, un architecte qui vécut au 1er siècle avant J.-C., est extrait de l’ouvrage De Architectura, le seul traité d’architecture complet que nous ait livré l’Antiquité. Dans ce livre, Vitruve affirme que l’architecte doit avoir des connaissances nombreuses dans des domaines aussi divers que le dessin, l’histoire, la géométrie, les mathématiques, l’optique, la philosophie, la médecine, l’astrologie et même la musique. Ce savoir multiforme s’acquiert dès l’enfance par la théorie et surtout par la pratique sur les chantiers auprès de maîtres expérimentés. «Ainsi, ajoute Vitruve, il faut que l’architecte soit ingénieux et laborieux tout ensemble ; car le génie sans le travail, ni le travail sans le génie, ne rendirent jamais aucun ouvrier parfait. »
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Cette formation fondée sur le pragmatisme n’était pas toujours couronnée de succès. Rappelant que jadis, à Ephèse, un règlement obligeait les architectes à garantir le coût des travaux sur leurs propres biens, Vitruve dénonce la médiocrité de certains de ses confrères. « Il serait à souhaiter, ajoute-il, que les Romains eussent un semblable règlement pour leurs bâtiments tant publics que privés. Cela empêcherait qu’une infinité d’ignorants ne se mêlassent impunément de l’architecture, et il n’y aurait que d’habiles gens qui en feraient profession » (De Architectura, Préface du Livre X).
D’autres architectes romains, en revanche, ont connu la gloire, à l’instar d’Apollodore de Damas, originaire de Syrie, qui travailla à Rome dans la première moitié du IIème siècle de notre ère. Il accompagna l’empereur Trajan dans ses campagnes militaires en Dacie et si l’on en croit l’historien grec Dion Cassius, il construisit un énorme pont de vingt piles sur le Danube. Mais son ouvre majeure reste le complexe d’édifices utilitaires connu sous l’appellation de Marchés de Trajan. Comme l’écrit Pierre Gros, cette réalisation est « l’une des créations les plus remarquables de l’architecture romaine. » Afin de répondre à l’ambitieux programme impérial, il fallut s’adapter à la forte déclivité des lieux. Apollodore conçut et réalisa l’opération par une série de paliers successifs. Entièrement en briques, l’ensemble se caractérise par une façade constituée d’une vaste exèdre dont la partie centrale comporte de nombreuses boutiques distribuées harmonieusement sur trois niveaux. Un autre architecte fameux, Hermodoros, est mentionné par Vitruve qui précise qu’on lui doit le portique édifié à Rome autour du temple de Jupiter Stator (De Architectura, livre III, I). Quant à Vitruve lui-même, il nous apprend qu’il construisit une basilique à Fanum, aujourd’hui Fano près de Rimini.
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Mais mis à part ces quelques cas, il est exceptionnel, dans l’Antiquité romaine, de connaître l’identité du concepteur et du constructeur d’un bâtiment. C’est pourtant le cas à Pouzzoles (Italie), où une inscription livre le nom de l’architecte Cocceius Auctus, bâtisseur d’un temple en marbre dédié à l’empereur Auguste. Mais si le nom d’Auctus est mentionné fort discrètement sur la pierre d’un mur, celui du commanditaire de l’édifice, Lucius Calpurnius, est gravé en grosses lettres sur l’entablement... Cette discrétion des architectes, voire le plus souvent leur total anonymat, en dit long sur le manque de considération dont ils souffraient et sur leur rang social. Mal rétribués, beaucoup devaient être des affranchis ou des esclaves. Ils étaient en outre totalement soumis au maître d’ouvrage et comme le note l’archéologue allemand Henner von Hesberg dans son livre Römische Baukunst, ils se trouvaient « directement tributaires des désirs de leurs commanditaires. »
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On connaît mal les modalités pratiques du travail de l’architecte. Néanmoins, un passage des Nuits attiques de l’auteur latin Aulu-Gelle (XIX, 10, 2-4), évoque « des ouvriers du bâtiment nombreux qui avaient été appelés » par un riche sénateur, Cornelius Fronto, « pour préparer de nouvelles installations de bains, et ils montraient différentes sortes de bains dessinés sur des feuilles. » Le commanditaire, ayant arrêté son choix sur « un modèle et un genre », demanda « à combien se montait à peu près l’estimation financière pour achever ce travail. » On peut également penser qu’en plus de dessins, les architectes proposaient des maquettes des futurs bâtiments qu’ils se proposaient d’édifier.
Consulter les précédentes études :
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