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Le Maçon

 

 

Rares sont les documents figurés qui montrent le travail des ouvriers du bâtiment. Certes l’un des bas-reliefs de la Colonne Trajane représente des légionnaires édifiant une fortification en briques crues ou en moellons, mais deux autres scènes seulement offrent une image réaliste et suggestive des tâches accomplies par les maçons. La première est une mosaïque divisée en trois registres et conservée au musée du Bardo à Tunis. A la partie inférieure, voici deux ouvriers qui transportent une colonne dans une charrette tirée par deux mules. A la partie supérieure, sous le regard de l’architecte – ou du contremaître – qui surveille les travaux, un artisan taille un fût de colonne près d’un chapiteau, d’une équerre et d’un fil à plomb, tandis qu’à la partie médiane deux maçons préparent du mortier. La seconde figuration  fournit la documentation la plus  complète. C’est une peinture retrouvée à Rome  au départ de la via Latina, dans le tombeau de Trebius Justus. Cinq maçons construisent un mur de briques. En bas à droite, un ouvrier est en train de gâcher du mortier à l’aide d’une houe à long manche, le rabot. A sa gauche, sur un support, repose une auge dans laquelle il le dépose au fur et à mesure. En bas à gauche, un aide porte des briques dans un panier. Un autre ouvrier monte à l’échelle appuyée sur les échafaudages  et, se tenant de la main droite, porte sur l’épaule gauche une auge pleine de mortier. Ainsi approvisionnés, deux maçons placés de chaque côté du mur, assemblent les briques et les lient au mortier à l’aide de leur truelle.

 

 

1- Des maçons construisent un bâtiment de briques.
(Rome, Tombeau de Trebius Justus)

2- Deux ouvriers du bâtiment transportent une colonne dans une charrette tirée par deux équidés.
(Mosaïque, Tunis, musée du Bardo)

 

Quasi légendaire, la renommée des maçons romains est encore aujourd’hui si fermement établie qu’il est courant d’entendre vanter les qualités exceptionnelles de leur mortier dont le secret de fabrication serait à jamais perdu ! Il n’est pourtant que d’ouvrir le traité De architectura de Vitruve – ingénieur militaire du 1er siècle avant J.-C. – pour en connaître la composition : « Lorsque la chaux sera éteinte, il faudra mélanger de la manière suivante : on mettra une partie de chaux avec trois parties de sable de carrière, ou deux parties de sable de rivière ou de mer ; telle est la juste proportion de ce mélange qui deviendra encore meilleur si on ajoute au sable de mer et de rivière une troisième partie de tuileaux pilés et cassés «  (II, 5). C’est d’ailleurs cet ajout de tuileaux qui confère leur coloration rose à certains mortiers. Quant à la chaux, elle est obtenue par la cuisson de pierres calcaires dans un four. De cette calcination émane la chaux vive qu’un apport progressif d’eau transforme en chaux éteinte. Des cuves à chaux ont d’ailleurs été reconnues en divers sites de la Gaule.

 

 

3- Enseigne d’un maçon à Pompéi sur la via Stabiana (Officine de L. Livius Firmus, XI, 1, 5). On reconnaît une truelle et un marteau taillant ou polka.
(Cliché G. Coulon)

 

 

4- Enseigne d’un maçon à Pompéi (Diogenes structor) à l’angle de VII, 15, 2. On reconnaît fil à plomb, truelle, amphore, équerre niveau, taloche, marteau taillant (polka) et ciseau.

 

 

A défaut d’atteindre la roche en place afin d’asseoir solidement leurs constructions, les maçons romains se sont efforcés de mettre la base de leurs fondations à l’abri du gel et du dégel. Le plus souvent, leurs fondements sont profonds de 0,50 m à 0,70 m et réalisés en semelles débordantes reposant volontiers sur des pierres plates disposées en hérisson pour faciliter l’écoulement des eaux d’infiltration. Le savoir-faire des bâtisseurs leur permettait d’implanter des édifices dans presque tous les types de sous-sols. Se trouvait-on confrontés à des bas-fonds humides ? Avant de mettre en place les assises de fondation, les maçons creusaient une tranchée protégée de l’eau par des batardeaux. Le mur reposait sur des pieux solidement enfoncés puis recépés. Une nappe d’argile enfin était étalée pour maintenir une humidité constante et éviter le pourrissement du bois. Des blocs recouvraient ce fondement sur lequel on montait ensuite le mur.

 

 

5- En milieu humide, les maçons fondaient leurs murs sur des forêts de pieux.
(fouilles de Paulnay, Indre, cliché G. Coulon)

6- Colonnes en maçonnerie dans l’atrium tétrastyle d’une demeure privée à Paestum (Italie). Elles sont faites de briques et leur épiderme, recouvert de stuc, créait l’illusion du marbre.
(Cliché G. Coulon)

 

Lorsque les maçons commencent à élever leurs constructions se pose le problème de l’échafaudage. Si quelques planches posées sur des tréteaux suffisent au début, il faut bientôt recourir à des assemblages de bois tantôt indépendants des murs, tantôt encastrés par des trous de boulins ménagés dans le corps de la maçonnerie. Les parois les plus épaisses nécessitent l’aménagement de boulins traversants et les charges de mortier, de moellons ou de briques sont montés par des aides. En Gaule, les maçons ont presque exclusivement employé deux variétés de parements : le petit appareil à assises réglées (opus vittatum) et les assises de moellons scandées régulièrement par des arases de briques ou de tegulae (opus vittatum mixtum). Cette dernière disposition, agréable à l’œil, assurait en outre des repères horizontaux mis à profit pour aligner les trous de boulins mais surtout, elle donne de la cohésion à la construction puisque ces chaînages traversent toute l’épaisseur du mur et solidarisent ainsi les deux parements. Dans ces deux types d’appareillage, le maçon se plaisait à marquer les joints d’un trait, avec un fer rond ou à l’aide du tranchant de la truelle. Les enduits trouvaient là des points d’accroche efficaces sur la peau du mur.

 

 

7- Appareil réticulé (opus reticulatum) à Ostie (Italie).
(Cliché G. Coulon)

 

8- Détail d’un mur en opus vittatum mixtum, cryptoportiques de Bavay.

 

9- En Gaule, les maçons ont volontiers employé l’opus vittatum pour monter leurs murs, comme ici au théâtre d’Argentomagus (Indre).
(Cliché G. Coulon)

10- Décor polychrome du parement  d’une tour de l’enceinte tardive du Mans. Les maçons ont joué sur la juxtaposition de la brique, du grès et du calcaire.
(Cliché G. Coulon)

 

 

On ignore presque tout du statut social des maçons. Seul l’Edit du maximum (301)  donne quelques éléments de salaire : 50 deniers par jour pour un maçon nourri, la même somme allait au maçon charpentier et au chaufournier. Un marbrier gagnait 60 deniers, un peintre sur mur 75 deniers et un mosaïste 60.

 

 

11- Tailleurs de pierre et maçons confectionnant des moellons (bas-relief d’une tombe d’Ostie).

 


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Consulter les précédentes études :

- Les bibliothèques publiques dans l'Empire romain.

 

- L'eau, un symbole de la romanisation en Gaule.

 

- Le martyrologe des mégalithes de l’Indre

 

- Les enseignants en Gaule romaine

 

- Le jeton érotique romain du musée d’Argentomagus à Saint-Marcel (Indre)

 

- La sage-femme en Gaule et dans l’Occident romain

 

- Le médecin dans l'Occident romain